Et si Diablo Immortal attirait l'attention des régulateurs sur la monétisation des jeux F2P ?

Belgique, Pays-Bas, qui sera le prochain pays à interdire les prochains jeux ?
JudgeHype | 07/07/2022 à 15h11 - 13

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la monétisation de Diablo Immortal a fait couler beaucoup d'encre depuis la sortie du jeu le 2 juin dernier. De nombreux joueurs se sont plaints de l'impossibilité de s'équiper à haut niveau sans payer et si les propos de Mike Ybarra se veulent rassurants, ils ne satisferont pas tout le monde, loin de là.

Pourtant, Diablo Immortal offre un gameplay solide pour un jeu mobile. Le jeu est beau et fluide sur la majorité des appareils. Il offre des dizaines, voire des centaines d'heures de jeu sans avoir besoin de dépenser un centime... si tant est que vous ne craquez pas devant la tentation d'acheter des objets cosmétiques et des emblèmes légendaires.

Ce sont d'ailleurs ces emblèmes qui sont au coeur des débats, lesquels augmentent sensiblement vos chances d'acquérir des gemmes légendaires 5 étoiles, véritable Graal quand on veut atteindre un Score de combat très élevé.

Dans une interview accordée à Vice, Keith Whyte, directeur exécutif du National Council on Problem Gambling aux États-Unis, donne son avis sur les problèmes engendrés par la sortie de Diablo Immortal. Il explique que le secteur s'est généralement autorégulé ces dernières années, mais que Blizzard fait plus de mal que de bien à l'industrie vidéoludique. 

Ils nuisent à leur argumentaire en faveur de l'autorégulation, car celle-ci exige non seulement un certain degré de retenue de la part du secteur lui-même, mais aussi la confiance du public et des régulateurs potentiels. Et des jeux comme Diablo Immortal ne permettent ni l'un ni l'autre. Ils sapent la confiance du public et des régulateurs, non seulement dans l'entreprise, mais aussi dans l'industrie dans son ensemble.

Dans les jours qui ont suivi la sortie du MMOARPG, certains joueurs ont dépensé des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars dans les achats in-app, sans pour autant être satisfaits de leur équipement. Vous avez sans doute lu qu'il faudrait au minimum 100.000$ pour optimiser un personnage, montant qui est rapidement monté à 500.000$ dans les jours qui ont suivi.

Cet aspect très aléatoire n'est pas sans rappeler les jeux de hasard, ce qui explique d'ailleurs que la Belgique et les Pays-Bas ont interdit la sortie de Diablo Immortal sur leur territoire, même s'il est possible de contourner l'interdiction en utilisant un VPN.

Aux États-Unis, la situation est clairement en faveur des éditeurs de jeux vidéo. Même si des sénateurs comme Josh Hawley sont montés au créneau en demandant une régulation des coffres de butin, le secteur s'arrange pour évoluer sous les radars. Au début des années 90, l'ERSB (équivalent du PEGI européen) a été créé par l'Entertainment Software Association (ESA), c'est-à-dire par les éditeurs eux-mêmes. Cela permettait d'un côté de donner des indications sur les jeux aux parents, mais aussi de tenir éloigné le gouvernement et d'avoir les mains forcément plus libres. 

En 2019, les coffres de butin ont commencé à avoir le vent en poupe et les éditeurs ont pris de nouvelles mesures. Si elles n'ont pas été suffisantes aux yeux de tous, elles l'étaient en tout cas suffisamment pour éviter que la Commission fédérale du commerce (FTC) mette son nez dans les affaires.

Pour Keith Whyte, c'est insuffisant et il faut enlever le mal à la racine afin de réduire le nombre d'addictions constatées chez les joueurs, avec tous les problèmes qu'elles peuvent engendrer.

Personne ne prétendrait qu'un panneau à l'entrée d'un casino de Las Vegas indiquant les cotes de paiement des machines à sous constitue un moyen efficace de prévenir la dépendance au jeu. Les informations sur le fonctionnement des jeux, y compris les cotes et les pourcentages de paiement, devraient être transparentes pour les joueurs et nous applaudissons cette mesure, qui constitue un pas dans la bonne direction. Mais fournir cette information seule ne constitue pas un effort sérieux pour s'attaquer réellement aux conséquences graves connues d'une utilisation excessive.

En Belgique, la Commission des jeux de hasard sert de régulateur pour le secteur des jeux de hasard, les paris et les établissements de jeux de hasard. L'objectif est de remettre des rapports au gouvernement et de protéger les joueurs. Aux États-Unis, il n'existe aucun département global et chaque état est libre d'appliquer ses propres règles.

Phil Sherwood, directeur des communications du Conseil du Massachusetts sur les jeux et la santé, explique que les États-Unis ne pratiquent pas le principe de précaution. 

Nous n'avons pas l'habitude que les organismes de réglementation soient proactifs lorsqu'il s'agit de risques pour la santé publique. En fait, nombreux sont ceux qui se demandent encore s'il s'agit d'un risque pour la santé publique, alors que dans la plupart des cercles informés sur la question, l'affaire a été réglée.

Il faut aussi garder en tête que l'industrie du jeu vidéo est devenue toute puissante ces dernières décennies. Les moyens financiers de l'ESA ont grimpé et en 2021, l'organisme est répertorié comme ayant dépensé plus de 6 millions de dollars dans le lobbying, dont l'objectif est de défendre ses intérêts auprès des décideurs politiques. En conséquence, les autorités de régulation et les élus laissent faire l'industrie, sans trop se poser de questions sur les risques pour la santé publique.

Pour Keith Whyte, les éditeurs peuvent encore avoir un rôle à jouer afin d'éviter que les gouvernements d'autres pays soient alertés par les mauvaises pratiques de certains jeux vidéo. Selon lui, ils doivent s'auto-réguler de manière plus drastique, notamment en regardant ce qui existe du côté des jeux d'argent et en travaillant sur la prévention.

De nombreuses recherches dans l'univers des jeux d'argent montrent que le fait d'autoriser ou d'exiger des joueurs qu'ils fixent leurs propres limites les rend beaucoup plus marquantes et pertinentes pour ce joueur individuel, car elles ne sont pas imposées d'en haut. C'est le type d'autorégulation qui pourrait éviter la surveillance fédérale parce que c'est une mesure sérieuse qui, comme nous le savons dans le monde des jeux d'argent, réduirait de manière démontrable les dommages.


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